A l’issue de ce débat sur le projet de loi pour l’accès
au logement et un urbanisme rénové, un constat s’impose : le compte n’y est pas.
Les député-e-s du Front de gauche ont pu mesurer, dans les travées de la Fête de l’Humanité ce weekend, combien les attentes du peuple de gauche sont fortes en matière de logement. Les familles
sont prises à la gorge. Les dépenses pour se loger n’en finissent pas d’augmenter. Elles ont doublé en deux décennies. Nos concitoyens n’ignorent pas que l’ampleur de la crise du logement
nécessite des décisions fortes. A ce titre, ce projet de loi offre des perspectives plus que mitigées.
Il marque une occasion manquée : l’encadrement des loyers. Sur tous les bancs, nous constatons que les hausses des loyers ont été irrationnelles ces dernières années. C’est la raison pour
laquelle il faut les faire baisser et non les « valider » !
Le dispositif d’encadrement qui nous est présenté n’aura pas d’effet bénéfique pour le pouvoir d’achat. Il ne concerne que le parc privé et que les zones tendues. Il est dépourvu de contrôle et
de sanctions. Il comporte des trous au travers desquels certains seront ravis de passer. Ainsi, il suffit pour un bailleur de prévoir des travaux pour échapper à tout encadrement.
Le plus grave étant sans doute l’instauration d’un plancher pour les bas loyers. En effet, la loi interdit les faibles loyers en zone tendue ! Les personnes qui bénéficiaient d’un tarif
correct parce qu’elles habitaient le même logement depuis des années – souvent des personnes âgées – verront donc leur loyer grimper brutalement !
En somme, il est à craindre que ce dispositif, au lieu de faire baisser les loyers comme nous le souhaitons, ait l’effet inverse. En instaurant un plafond supérieur de 20% au loyer médian, il
incitera les propriétaires à atteindre ce chiffre.
Toutefois, ce projet de loi comporte aussi des avancées réelles. Je pense à la réglementation des professions de l’immobilier ou à la préfiguration de la Garantie Universelle des Loyers. Les
attaques presque hystériques de la droite contre ces mesures nous prouvent qu’elles sont progressistes. En effet, la GUL mutualisera les risques d’impayés (ce qui est bénéfique pour les
propriétaires), et permettra la suppression du cautionnement, très inégalitaire.
S’agissant maintenant du volet territorial de ce projet de loi, disons-le tout net : il est négatif.
Les député-e-s du Front de gauche sont de ceux qui refusent que l’intercommunalité se fasse à coup de matraque. Aussi les PLU intercommunaux ne doivent pas être obligatoires ! Sur ce
point, la loi ALUR est dans la continuité de la funeste loi sur les métropoles, ce coup de force mené ici même en juillet. Si des communes souhaitent élaborer un PLU à l’échelle intercommunale,
cela doit se faire démocratiquement, dans le volontariat et la concertation.
Autre point de friction : le désengagement de l’Etat dans l’application du droit des sols (ADS) et dans l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du
territoire (ATESAT). Ce nouveau transfert de compétence non compensé constituera un drame pour les communes rurales et les intercommunalités qui comptent entre 10 000 et 20 000
habitants !
Au total, les député-e-s du Front de gauche ont pu obtenir des avancées au cours des débats, notamment grâce au sens du dialogue de Mme la ministre – que je salue :
- Ainsi, les bailleurs marchands de sommeil ne pourront plus délivrer un congé pour échapper à la procédure d’insalubrité ou de péril. C’était une suggestion de nos amis du Droit au Logement.
- En outre, sur proposition de ma collègue Jacqueline Fraysse, le délai de préavis de départ des allocataires de l’AAH sera raccourci à un mois au lieu de trois.
- D’autre part, les délais avant expulsion octroyés par le juge pourront aller jusqu’à trois ans au lieu d’un.
Nous nous réjouissons de l’adoption de nos propositions, mais le texte a également connu des infléchissements néfastes. Je pense ici à l’amendement de M. Goldberg introduisant des pénalités
d’impayés. Les locataires qui ne parviennent pas à payer leur loyer devront acquitter une pénalité pouvant atteindre le tiers de celui-ci ! A l’heure où les loyers atteignent des niveaux
records et où le pouvoir d’achat de nos concitoyens connaît une baisse d’une ampleur inédite depuis 30 ans, cet amendement ressemble à un inexplicable coup de Trafalgar.
Pour ces raisons, les député-e-s du Front de gauche s’abstiendront sur ce texte. Notre vote est un appel à faire évoluer la loi au Sénat dans le sens de la justice, et je pense notamment aux
PLUI et à nos propositions en termes d’indemnisation des locataires victimes de faux congés.
André Chassaigne, Président du Groupe Front de gauche